C’est avec tristesse que nous avons appris la disparition mardi dernier de Françoise Travelet, à l’âge de 71 ans. Léo Ferré l’appelait « ma petite sœur ».
Née en 1946, professeur de Français, Françoise Travelet a été une amie fidèle et la première à proposer un regard un tant soit peu sérieux sur la pensée et l’imaginaire de l’artiste. C'est en 1969, dans le cadre de son activité journalistique pour Le Fait Public (ex-Public), revue d'actualités fondée par un groupe d'anciens journalistes de l'information de l'ORTF, licenciés brutalement pour avoir osé se mettre en grève en mai 1968 (remember la chanson La Révolution dans le disque de Léo enregistré en public à Bobino, en février 1969), que la jeune femme – elle a alors vingt-trois ans – fait la connaissance de Léo Ferré, qu'elle admire.
Dotée d'un franc-parler pétri de culture et d'esprit critique, elle va alors chercher à mieux le comprendre au travers d'entretiens intelligents et approfondis, menés au fil de leurs rencontres.
À partir de cette matière, figurant tantôt dans des programmes de spectacle (comme celui de la Mutualité en janvier 1970), tantôt dans des pochettes d'album (La Solitude, 1971), Françoise va concevoir, avec l'accord de Léo, un livre intitulé Dis donc, Ferré…, qui paraîtra chez Hachette en 1976 (avant d’être réédité chez Plasma en 1980, puis chez La Mémoire et la Mer en 2001). Pour ce faire, elle lui envoie six questionnaires détaillés à l'été 1973, afin de préciser certains des aspects fondateurs de son enfance, tels qu'il les a laissés entrevoir dans sa fiction autobiographique Benoît Misère, mais aussi mieux cerner son rapport aux poètes maudits et aux artistes de son panthéon personnel, et développer plus avant sa conception de l'amour et de l’anarchie. Afin de garder une certaine spontanéité dans son expression, Léo lui répond par des « lettres » orales, en enregistrant ses réponses sur cassettes, qu’il lui expédie par la poste.
Entremêlant à la parole du poète ses propres observations « de terrain » – elle fait partie de l'équipage de la tournée bretonne de Léo avec Milig Glenmor en août 1972, elle est présente lors des concerts symphoniques en Suisse et au Palais des Congrès en 1975… – en fonction de thèmes et selon un plan établi par elle, Françoise Travelet nous livre un éclairage essentiel pour qui veut saisir Léo Ferré dans sa complexité.
En 1986, elle est encore la maîtresse d’œuvre du nouveau volume que la fameuse série Poètes d’aujourd’hui consacre à Léo Ferré. Dans ce numéro 93 bis, préfacé par elle et intitulé Les Années galaxie, de nombreux textes en prose ou versifiés sont publiés pour la première fois, révélant au public des pans considérables de « l’iceberg solaire ».
Les éditions La Mémoire et la Mer et la famille de Léo Ferré souhaitent saluer publiquement sa mémoire, son compagnonnage et ce travail mené avec Léo.
Tchao Françoise !
Équipe LMELM