La Chanson du mal-aimé (1972)

« Comment faire pour être heureux
Comme un petit enfant candide »

Texte : Guillaume Apollinaire
Musique : Léo Ferré

Janine de Waleyne, voix solo

Orchestration & direction musicale : Léo Ferré
Prise de son : Gerhard Lehner
Coordination musicale : Pierre Chaillé
Supervisation : Richard Marsan
Crédits visuels : Geneviève Vanhaecke (recto), Alain Marouani, Patrick ullmann
Texte de présentation (édition originale) : Léo Ferré

Enregistré du 1er au 3 juin 1971 et en janvier 1972 aux Studios Barclay, Paris (France).
Publié en mai (?) 1972 par Barclay.

Cet album n'est disponible à l'achat que dans le coffret La Solitude : intégrale 1968-1974. Vous pouvez vous procurer ci-dessus la partition piano-voix de l'oratorio.

Empruntant à cette heure l'éloquence blessée d'un frangin en poésie entre tous son double véritablement , Léo Ferré dit à chaud ses mécomptes, et sa colère, ses « hymnes d’esclave aux murènes  », ce douloureux deuil de lui-même, pitoyable romantique dont la réalité du « faux-amour » va alors agonisant dans la laideur des procédures et la rapace querelle.

Ainsi pourra-t-on dire ce que l'on voudra, invoquer un chevaleresque désir de faire connaître Apollinaire aux « p'tits de 68 », la mauvaise qualité technique de la réédition du premier Mal-Aimé par CBS en 1971, supputer l'obsolescence du chant français façon école italienne aux yeux d'un artiste ayant accompli sa mue en « couillosivité », ou que sais-je, le fait est là ; pour Ferré, réenregistrer le magnum opus de ses jeunes années « tout seul peut-être mais peinard », sans chanteurs lyriques, c'est-à-dire sans la découpe dramaturgique travaillée avec Madeleine, c'est avant tout assassiner expressément le souvenir de cette dernière, se dépêtrer de l'ancienne « muse » qui ne veut pas divorcer, amoureuse-autoritaire qui a des lettres mais pas de cœur ; faire un sort à sa propre aliénation enfin.

Ce qui était belle ouvrage et nostalgie exquise devient nécessité à dire et reconquérir, trouvant naturellement sa place dans la courbe véloce de l'artiste en ce jour, où chacun est appelé à se défaire de ses peaux mortes. Bien sûr les choses ne sont pas présentées comme cela au public. Léo Ferré se rend en pèlerinage dans l'appartement parisien d'Apollinaire, resté miraculeusement en l'état depuis le décès de sa veuve en 1967 ; enfilade de petites pièces reliées par des couloirs encombrés de livres, de statuettes et de tableaux. On y prend quelques photos pour la postérité. Léo est évidemment très ému et le service marketing se frotte les mains. En guise d'introduction, l'artiste pioche dans ses écrits non publiés un fragment narrant ses mésaventures avec les gérontocrates du Comité de la Musique de la Radiodiffusion française, cuisant souvenir des débuts difficiles de cette œuvre et renoncement subséquent à la « grande » musique par le wanabe komponist. Façon d'annoncer en creux un nouveau règne.

Car Léo Ferré ici renoue avec son « imaginaire chorégraphique d’enfant seul et triste » en dirigeant à nouveau un grand orchestre, constitué de larges effectifs de l'Orchestre Lamoureux et de requins de studio, dont la soprane Janine de Waleyne, collaboratrice de longue date. La volonté de puissance démiurgique s'empare une nouvelle fois du petit Ferré. La photo de la pochette est là pour nous informer de cette résolution et de cette métamorphose.

En étant le seul chanteur, Léo Ferré nous rappelle en outre que « la vie est variable aussi bien que l'Euripe », nous faisant de facto éprouver le deuil amoureux d'Apollinaire comme ressac de sentiments discordants, palpitante déambulation à travers les paysages émotionnels d'une sensibilité, et cela, d'une façon forcément moins illustrative que ne pouvait l'être la répartition des voix intérieures du poète en archétypes vocaux. Par conséquent, certaines mélodies étant écrites hors de portée de sa voix de baryton parties jadis dévolues à la Femme et à l'Ange, ici vocalisées par l'acrobate Janine , Ferré dit le texte, ce qui lui permet de le sémantiser à la façon d'un conteur, s'octroyant en relief énonciatif ce qu'il perd en variété de tessitures. La Chanson gagne en force d'aveu et en incisivité, avec une plus grande place accordée au silence. Au jeu des différences on notera en outre un allègement du chœur, un final moins lyrique et l'absence inexpliquée des percussions brillantes (glockenspiel, certaines parties de célesta), alors qu'elles ajoutaient pour beaucoup à la féérie.

Œuvre majeure, parmi les plus intemporelles et accomplies de Léo Ferré. Peut-être même l'un des rares oratorios du XXème siècle dont on se souviendra encore à l'avenir...

Alaric Perrolier – 2022

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