« “Voie lactée ô sœur lumineuse...”
Je t’engage, lecteur, à poursuivre cette « voie », à t’enchaîner à ce parler vertigineux et qui nous apprend à penser le profond de ton être et à t’enseigner le discours qui est au fond de toi, qui n’est qu’à toi, et qu’un messager venu de Pologne t’apporte comme une offrande, en te disant :
Ceci est à toi dans toi et tu ne le savais pas
Moi Kostrowitzky je te le dis...
“Nageurs morts suivrons-nous d’ahan
Ton cours vers d’autres nébuleuses”
Je salue en Guillaume le noir dévidement de l’aurore et de la pensée, quand la pensée se tourne et s’interroge, quand le drame quotidien de l’outrecuidance et de ses attaches imbéciles se reprend doucement et se tourne vers le non-dit et l’incontrôlé. »
Ainsi Léo Ferré parlait-il du « frérot » Apollinaire dans le journal
Le Monde en août 1980 (le texte peut être lu en intégralité dans
Les Chants de la fureur).
Apollinaire n'est pas le premier poète que Ferré a mis en musique — c’est Verlaine, même s’il n’en existe aucune trace enregistrée — ni le poète qu’il a le plus abondamment mis en musique — c'est
Baudelaire — et il n’est jamais parvenu à lui consacrer tout un cycle de mélodies sur un album dédié, mais… il est sans doute celui dont il s’est senti humainement le plus proche et celui qui l'a, de son propre aveu (voir
Dis donc, Ferré...), le plus profondément influencé sur le plan de l'écriture, celui qui l’aura mis sur les bons rails, celui qui aura aussi requis le plus sa facette de compositeur. Et alors que le dialogue créatif de Léo Ferré avec l’œuvre de Verlaine ou d'Aragon sera limité dans le temps, Apollinaire le sollicitera jusqu’à la fin. Ainsi mettra-t-il en musique les poésies suivantes de 1952 à 1991 :
La Chanson du mal-aimé,
Le Pont Mirabeau,
Marizibill,
L'Adieu,
Marie,
La Porte,
Les Cloches,
La Tzigane (ces deux dernières fusionnées par Léo),
Automne malade, mais aussi
des morceaux choisis d
'À la Santé et
des
Fiançailles,
Annie,
L'Émigrant de Landor Road,
Nuit rhénane,
Automne,
Le Voyageur et...
Zone, qui restent à publier... un jour, bientôt, dans dix mille ans !
Céans, pour célébrer ce compagnonnage durable et fécond ainsi que le souvenir de l'auteur d'Alcools, nous vous proposons une sélection de trois références à prix spécialement réduit :
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Léo Ferré à l’Opéra de Monte-Carlo (9,90 € au lieu de 12,90 €), captation par Radio Monte-Carlo d’un concert unique d’avril 1954 où Léo Ferré réalise son rêve de diriger sa musique et un orchestre symphonique sur scène, concert longtemps perdu puis retrouvé et publié en 2006. On y découvre son oratorio sur La Chanson du mal-aimé dans sa version inaugurale : orchestre coloré et véritable corne d’abondance mélodique aux climats évocateurs, le grand-œuvre inégalé de jeunesse de Léo Ferré nous propose un superbe voyage émotionnel. Magie de deux sensibilités parfaitement accordées, ce grand poème de l'amour déçu, pièce maîtresse du recueil d'Apollinaire, gagne en évidence. Ferré en enregistrera deux versions ultérieurement en studio, mais c’est ici que tout commence !
- Léo Ferré chante les poètes (19,90 € au lieu de 24,90 €), sur la scène du Théâtre Libertaire de Paris en 1986. Léo interprète six Apollinaire, pour certains jamais enregistrés en studio : Marie, Marizibill, La Porte, L’Adieu, Les Cloches & La Tzigane et Le Pont Mirabeau. (Re)découvrez en un seul endroit ce corpus éparpillé çà et là sur ses albums depuis 1953.
- Les Vieux Copains (11,50 € au lieu de 15 €), dernier album de chansons paru du vivant de Léo Ferré. Parmi ces 15 titres enregistrés en octobre 1988 et en juillet 1990, Léo ne propose qu’un seul Apollinaire parmi plusieurs mises en musique d'autres illustres poètes : Automne malade. On sait qu'il avait travaillé plusieurs autres poésies d'Apollinaire mais c’est celle-ci qu’il choisit pour tirer sa révérence. À (ré)écouter dans cette perspective...
Offre valable pendant un mois. Bonnes écoutes !
« Guillaume ? Sa voix écrite et transmise n’est plus qu’un chiffre dans le désarroi de notre condition. Les poètes meurent quand ils ne sont plus dictés par l’ineffable. Salut, Guillaume ! Vous pouvez dire à William [Shakespeare] que nous vous aimons bien. Nous sommes très peu, d’ailleurs, à nous inquiéter du jour et du siècle de votre naissance. [2018] ? Tiens, vous êtes toujours là, et avec nous, et avec la terreur qui nous emplit de n’être que toujours là aussi...
“La vie est variable aussi bien que l’Euripe...” »
Alaric
Équipe La Mémoire et la Mer