« Gabin était entre deux pentes, là... Alors j'avais écrit ça, je ne sais pas pourquoi...
Ou j'ai écrit ça en même temps sachant que Gabin accepterait de lire le texte et c'est passé une fois à la radio... Il y a combien de temps ? C'était en quelle année ça ?... 1951 ! Voilà !
On le repasse pas souvent, hein ?! Pourtant Gabin ce n'est pas moi ! »
Textes & musiques : Léo Ferré
Sauf textes : François Villon (Frères humains), Jamblan (C'est la fille du pirate, Les Douze)
Orchestre National de la Radiodiffusion française & Chœurs Raymond Saint-Paul, sous la direction de Léo Ferré
Narrateur : Jean Gabin
Chanteurs :
Comédiens :
Récitante : Madeleine Rabereau (Le Parvenu)
Orchestrations & direction musicale : Léo Ferré
Réalisation : Yves Darriet
Prise de son : RTF
Transfert numérique : Jean-François Pontefract (INA)
Restauration & mastering : Lionel Risler (Studio Sofreson)
Réalisation CD, notes & texte de présentation : Alain Raemackers
Crédits visuels : Serge Jacques (photo), Vital Maladrech (graphisme)
Enregistré le 12 janvier 1951 aux studios de la Radioduffusion française, Paris (France).
Diffusé sur Paris Inter le 5 février 1951.
Publié pour la première fois sur disque le 13 février 2004 par Le Chant du Monde.
1.
Ouverture
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2.
Frères humains
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3.
L'Esprit de famille
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4.
« Ah ! La rue... »
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5.
Air du cireur
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6.
La Bonne Aventure
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7.
« Brusquement cette charmante enfant… »
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8.
Les Forains
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9.
La Tamise
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11.
« Je suis parti sur un de ces bateaux… »
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12.
Ohé oh hisse
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13.
Madre de Dios
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14.
« Dans les flancs du Madre de Dios… »
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15.
Le Flamenco de Paris (instrumental)
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17.
C'est la fille du pirate
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18.
« Les deniers me crevaient les poches… »
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19.
En amour (ouverture)
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20.
En amour
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22.
Dans les draps que l'amour
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23.
Barbarie
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24.
Les Douze
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25.
« Ils me redonnèrent quelque goût… »
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26.
Les Oiseaux libres
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27.
« Pour soulever le toit... »
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28.
Kol Nidrei
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29.
Petit soldat
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30.
Au paradis des pauvres chiens
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31.
« Je décidais de me fixer... »
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33.
« Si j'avais eu le sens du repentir… »
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34.
Le Parvenu
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35.
Frères humains (reprise)
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Cet album est toujours disponible sur support physique dans le coffret La Vie moderne : intégrale 1944 - 1959.
Négligé par les vedettes de la glotte, insignifiant aux yeux des maquignons du disque, imperceptible aux oreilles des musicastres et des foules, l'autodidacte Ferré ne pèse pas lourd en janvier 1951. Et pourtant, le voilà subito à la tête d'un orchestre symphonique, d'un grand chœur mixte, de toute une distribution de chanteurs copains, de chanteurs lyriques et de comédiens, au-dessus de quoi brille la star Jean Gabin ; dans une création de son cru et « totale ». L'occasion rêvée et intelligemment suscitée de montrer sa valeur.
En 1950 sans doute Léo Ferré se cherche-t-il encore. Il chante avant tout pour gagner son pain quotidien. Dans le même temps, il produit, conçoit et anime avec un certain succès d'estime une nouvelle émission de musique classique à la radiodiffusion française (Musique de l'Est). Il s'essaye à la musique « sérieuse » en écrivant un opéra satirique et désabusé (La Vie d'artiste), recalé au concours Verdi de la Scala de Milan et laissé en friche depuis lors. Il lorgne du côté du théâtre musical avec son « poème » lyrique Les Noces de Londres. Il cachetonne pour le cinéma... Bref, devenir chanteur n'est qu'une piste parmi d'autres.
De même le narrateur révolté de De sacs et de cordes (DSDC) est balloté entre diverses expériences, divers choix. Ne se fixant sur rien, il estime avoir raté sa vie, et se laisse finalement corrompre par la société bourgeoise en faisant de l'Argent son unique motivation, au prix d'un art prostitué. À n'en pas douter Ferré l'irrésolu projette là ses angoisses du moment, œuvre de circonstance ou pas.
Diffusé dans le cadre de l'émission Les Lundis de Paris, ce grand patchwork de poèmes, de chansons ou de mélodies déjà existantes ou en chantier, que Léo parvient à rendre cohérent par sa narration, tombe à point nommé pour « résoudre » l'apparente dispersion de son auteur, dont il procède et dont il témoigne, ne serait-ce que par son hétérogénéité génétique et l'enjeu d'écriture « cubiste » qui en découle. En permettant à Léo de prendre possession de ses moyens — musicien, prosateur, collagiste... — cette première œuvre d'envergure à exister publiquement avivera ses ambitions de musicien pour les années à venir. Sans DSDC, y aurait-il eu La Chanson du mal-aimé ?
Laboratoire formel, pastiche ludique des récits de genre, mais aussi fable existentialiste et profession de foi libertaire, DSDC est tout cela à la fois. Cette création est une étape importante dans le cheminement artistique de Léo Ferré, servi ici par un Gabin au top. Oubliée dans les archives durant maintes décennies, la voilà ressuscitée pour notre plus grand bonheur.
Alaric Perrolier – 2016