« Du silence où l’on m’a laissé
Musiquant des feuilles d’automne
Je sais que jamais je n’irai
Fumer la Cour de la Sorbonne »
Sauf textes :
Musiciens (non-exhaustif) :
Orchestrations & direction musicale : Léo Ferré
Prise de son : x, Davide Marinone, Paolo Bocchi, Jan Vercauteren, Roger Roche
Ayant échoué à modeler le monde par son verbe, revenu de tout, le dernier Romantique — peut-être le dernier grand poète du siècle 20 — se réinvente pour se survivre, se réfugiant dans l'utopie première et dernière de la Musique, embusqué dans la marge, à faire tournoyer l'élégiaque carrousel de ses dévotions tandis qu'au loin le texte s'agite et que passent les modes. Dans ses cheveux blancs l'été s'attarde, au chant d'éternité des cigales, avant que ne s'en vienne le « hold-up mordoré » de l'automne, à la poursuite du temps perdu. « Memento mori, sois heureux ! » semble-t-il nous souffler. L'amour demeure, le reste doit finir. Y compris l'œuvre anthume de Léo Ferré.
Ce quatrième coffret s'ouvre en 1975 sur l'accession du galaxique Ferré à son plus grand désir : la direction d'orchestres symphoniques en compagnie desquels donner des concerts. Il se conclut en 1991 avec le choix confraternel de s'effacer derrière Rimbaud, vénéré par tout l'Occident des Lettres. Deux radicalités, deux pôles : la Musique et le Verbe, dont l'artiste en douze derniers albums va incessamment raviver le point d'incandescence prométhéen ; homme libre toujours chérissant cette mer que l'on nomme l'imaginaire, fraternel passeur pour ses semblables encore à l'amarre.
Période moins bien connue pour ne pas dire ignorée des médias et du public, riche pourtant d'oracles et de périples, de hautes cimes, de fulgurations, trop longtemps sous-estimée, la voici pour la première fois rassemblée afin que nul n'en ignore plus. Non, la vie artistique de Léo Ferré ne s'arrête pas après son dernier album pour la marque Barclay. Non, sa créativité ne se tarit pas. Elle se poursuit durant des années et extatiquement se hisse aux dimensions du macrocosme.
Pour la première fois depuis presque trente ans, L'Opéra du pauvre, chef-d'œuvre secret, est de nouveau rendu disponible sur disque, indexé pour votre aisance d'écoute en suivant le découpage pensé par l'artiste. Et puisque Ferré fut « muet » pour commencer, qu'il le soit donc pour conclure ; voici en sus trois disques exclusivement remplis d'instrumentaux de ses chansons, d'après un projet d'album orchestral qu'il envisagea lui-même au mitan des années 80. Car... Léo Ferré est un musicien, aussi. Ne l'oublions jamais.
Quiconque s'est embarqué jusqu'ici dans la circumnavigation ferréenne ne saurait en ignorer la glorieuse terminaison. Attendez... la terminaison, vraiment ?
Alaric Perrolier – 2022