« L'œil s'interroge
Dessous l'horloge
La page blanche
Sous la main flanche »
Textes & musiques : Léo Ferré
Arrangements & direction musicale : Paul Mauriat (titres 1, 2, 6, 7), Jean-Michel « Franck Aussman » Defaye (titres 3-5, 8-12)
Prise de son : Jean-Claude Pou-Dubois
Supervisation : Jean Fernandez
Crédits visuels : Jean-Pierre Sudre
Texte de présentation (édition originale) : Léo Ferré
Enregistré le 9 octobre, le 9 et le 10 novembre 1962 au Studio Europa Sonor, Paris (France). Publié en décembre (?) 1962 par Barclay.
4.
Ça t' va
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5.
E.P. Love
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9.
Plus jamais
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11.
Les Tziganes
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Cet album n'est disponible à l'achat que dans le coffret L'Âge d'or : intégrale 1960-1967. Vous pouvez vous procurer ci-dessus les partitions des chansons.
Pour la première fois depuis qu'il a signé chez Barclay, Léo Ferré passe — et cela sera définitif — au format des caïds pour ses albums studio, le prestigieux Long Play 33 tours 30 cm, pouvant contenir jusqu'à 12 chansons de durée standard. L'opération pédagogico-retape de dévoilement biographique à l'attention du public, enclenchée avec la pochette de Paname, se poursuit ici avec des photos très posées de l'artiste et une prose intitulée Je fais ma vie comme on fait l'amour, signée par Léo lui-même.
Ce texte surprend par son insistance, son impudeur, sa fondamentale insincérité. Une fois le ton inimitable de Ferré mis de côté, l'infatuation — Nous, la famille du Bonheur et de la Dignité exemplaires, l'amour on le fait ! — le dispute à la mièvrerie — nos chienchiens formidables. Comme si Léo, habituellement si lucide, ne s'appartenait plus... Tout cela pourra paraître éloigné des chansons de bonne facture ici proposées (quoi qu'inévitablement en-dessous de celles de l'album Aragon), mais ça ne l'est pas. Symptomatique d'un malaise qui s'est installé dans la vie privée de Léo Ferré, ce suspect paratexte jette une ombre de facticité sur l'album, notamment sur les surjouées Ça t' va et T'es chouette, adressées à sa compagne et que l'on peut estimer être de crocodile. Je fais ma vie... sera évacué des rééditions ultérieures et peut être lu aujourd'hui dans Les Chants de la fureur.
Pour le reste, Léo Ferré ne prend pas de risques et reconduit la formule du panachage grand-public, entre exercices de style dans l'air du temps (Les Tziganes, Ça s' lève à l'est, EP Love), fulgurances ludiques (La Langue française, Mister Giorgina, La vie est louche) et préoccupations plus personnelles (Les Bonnes Manières, La Vieille Pélerine, Plus jamais, T'es rock, coco !).
On sera gré à Léo de reprendre ici le contrôle artistique de son image et de s'extirper de la représentation publicitaire tartignolosse — voir Paname et les divers super 45 tours parus en 1961 — en imposant le regard d'un véritable photographe pour la pochette (et tant pis pour la couleur !). Avec T’es rock, coco !, le « style de l’invective » escompté par le poète envoie ici son premier présage...
Alaric Perrolier – 2019